L’économie marocaine poursuit une transformation profonde, soutenue par une dynamique d’investissement soutenue et une volonté claire d’accélérer le développement national. Dans cet entretien, Abdelaziz Lahlou, Directeur de l'Économie chez , revient sur les forces motrices de l’économie du Maroc et sur les perspectives à l’horizon 2030.

Une dynamique d’investissement au Maroc solidement ancrée

Contrairement à une perception répandue, l’élan d’investissement du Maroc n’est pas conjoncturel. Il s’inscrit dans une stratégie de long terme visant à accompagner des chantiers structurants prioritaires. Avec un taux d’investissement brut représentant 29% du PIB, le Royaume se positionne parmi les économies les plus dynamiques, derrière la Turquie mais loin devant d’autres pays comparables comme l’Égypte ou la Tunisie.

Cet effort se traduit dans la qualité et l’extension des infrastructures : télécommunications, énergie, eau, transport ou encore logistique. Le Maroc affiche ainsi une ambition claire : atteindre les standards internationaux et renforcer son positionnement comme hub régional.

Exportations du Maroc : diversification et montée en gamme

Le commerce extérieur constitue un autre indicateur de ce sursaut économique. En 2024, les exportations marocaines devraient atteindre 455 milliards de dirhams, soit près de 28% du PIB, avec une croissance moyenne annuelle de 8,5% depuis la période post-Covid.

La structure des exportations montre une montée en puissance des secteurs industrialisés, notamment l’automobile (34,5%), qui devance désormais les phosphates et dérivés. Les produits agricoles et alimentaires, de leur côté, conservent chacun une part de 19%.

Investissement et croissance au Maroc : un modèle en transition

La composante non agricole de la croissance atteint un rythme de 4% dès 2024. Cependant, la part importante de l’agriculture dans le PIB (environ 16%) continue d’exposer l’économie aux aléas climatiques. Les six années successives de sécheresse ont pesé sur l’activité globale, rappelant l’importance des politiques de gestion de l’eau et d’adaptation climatique.

Le programme d’investissement public atteint 340 milliards de dirhams, soit 28% du PIB en 2025. Le Trésor et les entreprises publiques en assurent plus des trois quarts. À cela s’ajoute l’action du , qui vise à mobiliser 120 milliards de dirhams entre 2023 et 2026, en ciblant les secteurs stratégiques et créateurs d’emplois.

Une vision stratégique stable du Maroc

Parallèlement, le Maroc ambitionne d’élever la contribution du secteur privé à l’investissement national, passant d’un tiers actuellement à deux tiers à l’horizon 2035. Pour y parvenir, le pays mise sur un environnement des affaires en amélioration continue, une infrastructure moderne et une vision stratégique stable. Les IDE illustrent cette dynamique, avec une hausse remarquable de 55% en 2024.

Finances publiques et stabilité économique au Maroc : une trajectoire solide

Le financement public s’appuie sur une amélioration notable des recettes fiscales, estimées à près de 20% du PIB en 2025. Cette progression résulte des réformes structurelles engagées sur l’IS, l’IR et la TVA, ainsi que de la réduction des niches fiscales.

L’État renforce également son rôle social : 25 millions de Marocains bénéficient désormais de l’assurance maladie obligatoire et près d’un million de familles vulnérables perçoivent des aides directes. La réforme progressive de la caisse de compensation permet de réduire ses dépenses à 1% du PIB, notamment grâce à l’abandon de la subvention du carburant et à l’avancement de celle du gaz butane.

Dirham : une bande de fluctuation maîtrisée

Le secteur bancaire, disposant d’un coussin de fonds propres solide, accompagne cette dynamique. Après une croissance annuelle moyenne de 4,9% des crédits lors du dernier quinquennat, une accélération vers 7% est anticipée à moyen terme. Le marché financier devrait, lui aussi, renforcer son rôle afin de soutenir les besoins croissants de financement, malgré une contribution encore modeste aujourd’hui.

Par ailleurs, le coût de financement du Trésor poursuit sa baisse depuis 2023, soutenu par l’apaisement des tensions inflationnistes et par la robustesse des fondamentaux budgétaires. Les réserves de change atteignent l’équivalent de 5,2 mois d’importations, permettant au dirham de se maintenir dans une bande de fluctuation maîtrisée, sans intervention de .

Une trajectoire appelée à s’amplifier

Ainsi, trois messages clés sont à retenir :

  • La soutenabilité de l’effort d’investissement permet au Maroc de récolter les fruits d’une accumulation durable de capital.
  • Le secteur public comme le secteur privé disposent de l’assise nécessaire pour poursuivre cette dynamique.
  • L’intérêt croissant des investisseurs internationaux confirme l’attractivité du Royaume sur le moyen terme.

L’objectif est clair : porter la contribution du secteur privé à deux tiers de l’investissement total, afin d’ancrer durablement cette nouvelle phase de développement.

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