Bank Al-Maghrib : un statu quo du Taux Directeur au T4-25 anticipé par les investisseurs

Bank Al-Maghrib décide de maintenir inchangé son Taux Directeur à 2,25% lors de sa dernière réunion de politique monétaire de l’année 2025 et ce, en ligne avec le consensus du marché. Il s’agit du 3ème statu quo consécutif après une 1ère baisse de -25 PBS en mars 2025. Pour rappel, le baisse cumulée du Taux Directeur depuis le début du cycle accommodant de Bank Al-Maghrib en septembre 2024 ressort à -75 PBS.

Cette pause monétaire intervient dans un contexte inflationniste maîtrisé au Maroc. Depuis janvier 2024, l’Indice des Prix à la Consommation (IPC) affiche une tendance baissière pour s’établir à 0,1% en octobre 2025. Dans ce contexte, Bank Al-Maghrib révise à la baisse l’inflation en 2025E à 0,8%, soit un niveau inférieur à l’objectif de stabilité des prix de 2%. La tendance à l’international demeure mitigée entre (BCE) en pause monétaire depuis juin 2025, et la FED qui a repris son cycle de baisse de Taux Directeur, soit un cumul de -75 PBS depuis le mois de septembre.

Sur la base de notre analyse, nous relevons deux principaux facteurs qui justifieraient la décision du statu quo du Taux Directeur de Bank Al-Maghrib en décembre 2025 :

  • Le Maroc devrait atteindre un nouveau palier de croissance à compter de 2025E : Bank Al-Maghrib révise à la hausse pour la 4ème fois successive la croissance économique pour l’année 2025E pour atteindre les 5%. Il s’agit du niveau le plus élevé depuis 2021. Le PIB bénéficierait du rebond de la composante non agricole sous l’effet de la dynamique de la Demande Intérieure. Il s’agit du raffermissement de la consommation et l’effort d’investissement Public/Privé. Une telle situation ne justifierait pas des actions accommodantes urgentes de la part de la banque centrale ;
  • Le décalage de transmission des baisses de Taux Directeur vers l'économie réelle : L’évolution des Taux débiteurs révèle une transmission différée de la baisse cumulée du Taux Directeur depuis septembre 2024. Il s’agit d’un repli de -58 PBS contre -75 PBS pour le Taux Directeur. Dans ces conditions, Bank Al-Maghrib temporise dans l’attente d’une meilleure transmission de la baisse du Taux Directeur.

Avis d'expert

Bank Al-Maghrib a décidé de maintenir son Taux Directeur inchangé en décembre 2025, confirmant une posture monétaire prudente malgré la nette maîtrise de l’inflation et les impératifs de soutien du cycle d’investissement du Maroc. Selon nous, cette décision reflète la volonté de l’Institut d’Émission de consolider les signaux récents de désinflation, tout en évitant un assouplissement prématuré. En effet, le contexte national ne semble pas exiger des actions accommodantes d’urgence de la part de Bank Al-Maghrib.

Au final, nous restons convaincus que Bank Al-Maghrib possède une marge de manœuvre intéressante pour poursuivre son assouplissement monétaire avec une 1ère cible du Taux Directeur à 2,0% en 2026.

L’assouplissement monétaire à l'international amorcé par la FED se poursuit

La FED s'engage à assouplir sa politique monétaire, tandis que la BCE marque toujours une pause

Après un cycle d’assouplissement monétaire avec huit baisses de Taux Directeur initié en juin 2024, la BCE a entamé une phase de statu quo monétaire qui a duré 6 mois depuis le mois de juin 2025, en gardant stable son Taux d’intérêt de la facilité de dépôt à 2,00%. En effet, l’institut a indiqué que l’inflation se situe actuellement autour de l’objectif à MT de 2%. Celle-ci s’est établie en moyenne à 2,1% depuis le début de l’année 2025, en ligne avec l’objectif de stabilité des prix de la BCE.

De son côté, la FED poursuit son cycle d’assouplissement entamé en juin dernier et réduit son Taux Directeur à deux reprises au cours du T4-25, avec une baisse cumulée de -50 PBS à 3,75%, et ce après l’avoir maintenu inchangé pendant cinq réunions successives. Le Taux des FED Funds a ainsi atteint son plus bas depuis novembre 2022. À l’origine, une modération de la croissance économique au S1-25, un ralentissement des créations d’emplois et une légère augmentation du Taux de chômage qui reste toutefois faible, ainsi qu’une hausse de l’inflation à un niveau modéré. Cette dernière a atteint 3% en septembre 2025, contre une moyenne de 2,5% au cours du T2-25.

Emboitant le pas à la FED, d’autres Banques Centrales à l’international ont abaissé à leur tour leur Taux Directeur au cours du T4-25, à l’instar de (BdC) et la Banque Centrale de l’Afrique du Sud de -25 PBS chacune. La baisse a atteint -50 PBS pour les Banques Centrales des Philippines, de Oman et du Kenya. La Banque Centrale de la Turquie a, quant à elle, réduit son Taux Directeur de -250 PBS à 38,0%.

Des prévisions d'inflation et de croissance en faveur de la baisse des taux à MT

La FED et la BCE devraient poursuivre leur assouplissement monétaire à MT, confortées par les progrès réalisés en termes de croissance et d’inflation. Le nouvel accord commercial conclu entre les États-Unis et l’UE sur l’augmentation des droits de douane sur les exportations européennes a contribué à réduire l’incertitude quant aux politiques commerciales. À ce titre, la croissance économique de la ZE devrait se renforcer, soutenue par plusieurs facteurs. D’une part, la hausse des salaires réels et de l’emploi, conjuguée à de nouvelles dépenses publiques, devrait stimuler la Demande intérieure dans la région. D’une autre part, les conditions de financement moins restrictives en lien avec les récentes décisions de politique monétaire soutiendraient également la croissance. Enfin, les perspectives d’inflation sont cohérentes avec une stabilisation autour de la cible de 2% à MT. Celle-ci devrait s’établir à 2% pour le reste de 2025E, puis diminuer à 1,7% en 2026E avant de se redresser à 1,9% en 2027E.

Aux Etats-Unis, le relèvement des tarifs douaniers devrait se répercuter sur les prix à la consommation, l’inflation devant rester au-dessus de l’objectif de la Fed à 2,9% en 2025E avant de baisser à 2,4% en 2026E et à 2,1% en 2027E. Face à ce ralentissement, la FED pourrait poursuivre son assouplissement monétaire au cours des deux prochaines années, avec des anticipations de deux nouvelles baisses de Taux Directeur de -25 PBS chacune vers une fourchette cible [3,00% - 3,25%] à horizon 2027E. Tenant compte de ce cycle accommodant, la FED a révisé à la hausse ses perspectives de croissance à 2,3% au lieu de 1,8% en 2026E et à 2,0% au lieu de 1,9% en 2027E.

Bank Al-Maghrib révise à la hausse ses prévisions de croissance et d'inflation

Confortée par une hausse moins importante que prévu de sa composante sous-jacente et des prix des produits réglementés en raison de la non-application de la hausse programmée du prix du gaz butane et la nette détente des prix énergétiques à l’international, l’inflation devrait s’établir à 0,8% en 2025E avant de rebondir vers 1,3% en 2026E. Ces niveaux demeurent en dessous de l’objectif de stabilité de Bank Al-Maghrib fixé à 2%. Par ailleurs, la croissance devrait connaître une nette amélioration à 5,0% en 2025E, pour reculer légèrement à 4,7% en 2026E, sous l’hypothèse d’un retour à des campagnes céréalières moyennes autour de 50 MQx contre 41 MQx une année auparavant.

Correction à la hausse des taux MLT suite au statu quo prolongé de Bank Al-Maghrib depuis mars

L’orientation accommodante de Bank Al-Maghrib entamée en juin 2024 a nettement soutenu . Celle-ci a été confortée d’une part, par la baisse des exigences de rentabilité des investisseurs dans un contexte de maîtrise de l’inflation en dessous de la cible de Bank Al-Maghrib de 2% et d’autre part, par une Offre du Trésor contenue grâce à une dynamique très positive des recettes fiscales et à l’activation des financements innovants en 2025 à des niveaux records de 35 MMDH. Par ailleurs, nous avons assisté à une légère correction à la hausse des Taux MLT durant le T4-25 sous l’effet de la prolongation de la pause monétaire et des arbitrages des investisseurs institutionnels vers des actifs plus rémunérateurs. À cet effet, les Taux primaires CT ont connu une hausse moyenne de 9 PBS durant le T4-25, reflétant l’absence d’anticipation de baisse de Taux Directeur supplémentaire en Décembre 2025.

Creusement du déficit de liquidité bancaire à un nouveau record

Sur le plan monétaire, les besoins en liquidité du système bancaire devraient se creuser pour atteindre un record de 158 MMDH en 2027E, en raison de la hausse continue de la circulation fiduciaire à plus de 470 MMDH en octobre 2025, alors même que les réserves de change se maintiennent à des niveaux records à plus de 430 MMDH en 2025E. D’ailleurs, ces derniers devraient frôler les 450 MMDH en 2027E.

D’un autre côté, les Taux débiteurs se sont quasi-stabilisés au T3-25 à 4,85%, en lien avec la pause monétaire de Bank Al-Maghrib initiée en mars dernier. Dans ces conditions, bien qu’à un rythme plus modéré, les crédits bancaires poursuivent ainsi leur progression à +3,6% à fin octobre 2025 et devraient afficher une accélération moyenne de +5,0% en 2026E et 2027E.

Baisse du Taux Directeur en 2026E..., un scénario toujours d'actualité

Des conditions qui plaident en faveur de la baisse du Taux Directeur en 2026E

La maîtrise de l’inflation en 2026E en dessous du Taux Directeur actuel fixé à 2,25% octroie à Bank Al-Maghrib plus de marge de manœuvre dans la conduite de sa politique monétaire. En effet, les prévisions d’inflation demeurent rassurantes à horizon 2026E, en dépit des incertitudes liées aux conditions climatiques au Maroc, des prix des matières premières à l’international et de la poursuite du dialogue social dans le cadre de la LF-26, sur le niveau des prix. Ainsi, l’inflation a été révisée à la baisse à 1,3% en 2026E contre 1,9% initialement, soit un niveau en dessous de près de -100 PBS par rapport au Taux Directeur actuel. 

Par ailleurs, rappelons que Bank Al-Maghrib a ramené son Taux Directeur d’un plus bas historique de 1,5% en août 2022 à un plus haut historique de 3% à compter de mars 2023 avant de démarrer son pivot monétaire en juin 2024 pour le stabiliser à 2,25% depuis mars 2025, soit un écart de -75 PBS supplémentaires.

Parallèlement, l’ancrage des Taux réels au Maroc en territoire positif depuis janvier 2024 réduit les tensions sur la rémunération de l’épargne nationale conférant ainsi un environnement rassurant à pour d’éventuelles nouvelles baisses de Taux Directeur en 2026E. Ces derniers s’établissent autour 2% depuis le début de l’année 2025 renforçant les anticipations d’un cadre monétaire plus accommodant de la politique monétaire en 2026.

Un cadre monétaire en cohérence avec les ambitions budgétaires et la stabilité du MAD

Dans un contexte où le Maroc poursuit des dans plusieurs domaines clés de l’économie, à l’instar de l’infrastructure, la souveraineté hydrique, ou encore la préparation des grands événements sportifs d’envergure CDM 2030, réduire le coût de financement devient un levier clé de soutenabilité budgétaire tout en maintenant l’ancrage des anticipations inflationnistes. L’investissement public devrait ainsi poursuivre sa tendance haussière en 2026E, soit un effort de plus de 380 MMDH, en hausse de 12% par rapport à l’année précédente et représentant près de 21% du PIB au Maroc.

La stabilité du Dirham dans un environnement international encore très volatil marqué par les divergences des politiques monétaires de la FED et de la BCE ainsi que les tensions géopolitiques en Europe, demeure un enjeu majeur pour Bank Al-Maghrib. En effet, jusqu’à présent, les baisses cumulées du Taux Directeur n’ont pas entrainé de tensions significatives sur le MAD en raison d’un régime de change encadré, soit un panier de devises de référence 60% EUR/40% USD, ainsi que des fondamentaux externes solides et des réserves de change confortables à plus de 430 MMDH à fin novembre 2025. Dans ces conditions, les spreads de liquidité du MAD se maintiennent en territoire négatif depuis juin 2024, soit une moyenne de -3,5% depuis le début de l’année 2025.

Néanmoins, deux nouveaux défis majeurs devraient redéfinir le cadre monétaire de Bank Al-Maghrib et renforcer sa crédibilité à MT. Il s’agit du ciblage de l’inflation et de la flexibilisation du MAD. Le premier implique une politique monétaire plus prospective fondée sur l’ancrage des anticipations inflationnistes et le deuxième impose à Bank Al-Maghrib un calibrage fin des décisions de Taux Directeur pour préserver la stabilité du MAD face aux risques externes.

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