Bank Al-Maghrib : Un statu quo attendu après deux baisses consécutives
Lors de sa deuxième réunion de politique monétaire de l’année 2025, Bank Al-Maghrib (BAM) a décidé de maintenir inchangé son Taux Directeur (TD) à 2,25%, conformément au consensus du marché (Cf. Sondage Taux Directeur Juin 2025) et compte tenu des récentes évolutions géopolitiques. Il s’agit du premier statu quo de l’année après deux baisses successives de -25 points de base chacune, intervenues en décembre 2024 et en mars 2025.
Cette pause s’inscrit dans le cadre d’une politique de fond accommodante, visant prioritairement à soutenir la croissance économique dans un contexte désinflationniste au Maroc. Les prix à la consommation ont poursuivi leur détente, à +0,7% en avril et +0,4% en mai, bien en dessous de l’objectif de stabilité des prix fixé à 2%. L’inflation sous-jacente a confirmé cette tendance, s’établissant sous 1,1% en mai 2025.
Facteurs locaux et internationaux soutenant le statu quo
Dynamique économique interne
Selon notre analyse, la décision de BAM repose sur deux grandes tendances. Au niveau local, les prévisions de croissance ont été révisées à la hausse. L’économie marocaine bénéficie du redressement de la composante agricole à 44 MQx en 2025E et du raffermissement du secteur non agricole, soutenu par les dépenses publiques. La croissance économique ressort ainsi à 4,6% en 2025E, contre 3,9% initialement. Avec une campagne normative de 50 MQx prévue en 2026E, la croissance pourrait atteindre 4,4% au lieu de 4,2% prévu auparavant. Cette robustesse relative rend inutile toute action monétaire immédiate de la part de BAM.
Incertitudes internationales
Au niveau international, le contexte demeure incertain, notamment en raison de la guerre commerciale et des tensions géopolitiques au Moyen-Orient. BAM adopte donc une posture attentiste similaire à celle de la FED, à l’approche de la fin de la suspension de 90 jours des droits douaniers américains fixée au 9 juillet.
Avis d’expert : une politique proactive dans un environnement mondial instable
BAM mène une politique monétaire proactive, adaptée à un environnement mondial marqué par :
- la montée des risques géopolitiques ;
- une désinflation confirmée ;
- des révisions à la baisse des perspectives de croissance des partenaires économiques.
À l’international, les divergences de politiques monétaires se renforcent. La Banque centrale européenne (BCE) poursuit son cycle accommodant, tandis que la FED reste prudente face aux incertitudes inflationnistes et commerciales. La Banque Centrale Suisse, quant à elle, revient à des Taux Zéros en juin 2025.
Au Maroc, sur la base de prévisions d’inflation sous l’objectif de 2% et dans le cadre du soutien au super-cycle d’investissement, nous anticipons une baisse du Taux Directeur vers 2% d’ici fin 2025.
Divergence des politiques monétaires transatlantiques
Zone euro : une BCE toujours accommodante
Comme prévu, la Banque centrale européenne a confirmé sa politique monétaire accommodante en 2025 en abaissant pour la deuxième fois consécutive son Taux Directeur de 25 points de base à 2,0% en juin 2025, marquant sa huitième baisse depuis juin 2024 et la quatrième depuis le début de l’année, pour un cumul de -200 points de base. Cette politique succède à une période de hausses intensives entre septembre 2022 et septembre 2023, où le Taux Directeur avait atteint 4,0%, son plus haut niveau depuis la création de la Zone euro en 1999.
Cette orientation vise à soutenir la croissance européenne et le pouvoir d’achat des ménages, malgré un contexte international marqué par les tensions géopolitiques au Moyen-Orient et les pressions commerciales. L’inflation confirme ce choix : l’indice des prix à la consommation est retombé à 1,9% en mai 2025, sous l’objectif de 2%, tandis que l’inflation sous-jacente poursuit sa décrue, à 2,3% en mai contre 2,7% en avril. Pour 2025E, la prévision d’inflation est révisée à la baisse, alignée sur la cible de 2%, avant un retour à 1,6% en 2026E et un léger rebond vers 2% en 2027E.
Malgré l’incertitude élevée, la faiblesse de la croissance prévue à 0,9% en 2025E et 1,1% en 2026E pourrait inciter la Banque centrale européenne à relancer son cycle accommodant d’ici la fin de l’année, avec une éventuelle baisse du Taux Directeur autour de 1,75% en décembre.
États-Unis : la FED reste prudente
Aux États-Unis, l’évolution de l’inflation reste un facteur déterminant pour la politique monétaire. Malgré les pressions de l’administration Trump visant à réduire les Taux Directeurs pour alléger le déficit public et soutenir la politique commerciale, la FED a maintenu son Taux Directeur stable pour la quatrième fois consécutive en 2025, dans une fourchette de 4,25% à 4,50%, après un pic historique à 5,25%-5,50% en juillet 2023 et une baisse cumulée de 100 points de base en 2024.
À l’approche de la fin de la suspension de 90 jours des droits de douane le 9 juillet, l’inflation reste incertaine. La FED a révisé ses prévisions à la hausse, à 3% pour 2025E, tandis que la croissance est ajustée à 1,4%, contre 1,7% précédemment. Dans ce contexte, la banque centrale pourrait reprendre son cycle de baisse des Taux dès septembre, avec deux réductions cumulées de 50 points de base, visant une fourchette de 3,75% à 4,00%, au lieu des quatre réductions initialement prévues.
BAM : inflation maîtrisée et marge de manœuvre pour 2025
La désinflation se confirme au Maroc, avec une inflation revue à la baisse pour la cinquième fois consécutive à 1% pour 2025, contre 2% précédemment. L’inflation resterait modérée en 2026E, à 1,8%, en ligne avec l’objectif de stabilité des prix de BAM.
Conditions de financement et courbe obligataire
Les taux obligataires continuent de baisser, favorisant un aplatissement de la courbe. Cette tendance devrait s’accentuer en raison :
1. de la baisse des exigences de rentabilité des investisseurs ;
2. de la maîtrise de l’offre du Trésor ;
3. des anticipations d’une politique accommodante prolongée.
Réserves de change et crédits bancaires
Les réserves de change se maintiennent à des niveaux records (plus de 400 MMDH en 2025E, près de 425 MMDH en 2026E). BAM soutient également les TPE, représentant 88% du tissu productif national, et l’évolution des crédits bancaires devrait s’accélérer à +6,2% et +6,1% respectivement en 2025E et 2026E.
BAM : Une marge de manœuvre visible pour soutenir l'économie en 2025
Au vu des anticipations d’inflation modérées, de la soutenabilité des finances publiques et de la solidité des principaux indicateurs extérieurs, Bank Al-Maghrib devrait renforcer son soutien à l’économie lors de ses prochaines réunions en 2025E. Depuis son plus bas historique de 1,5% en août 2022, le Taux Directeur a atteint 3% en mars 2023, avant que la banque ne lance son pivot monétaire en juin 2024, pour le ramener à 2,25% depuis mars 2025. Cette évolution laisse à Bank Al-Maghrib une marge de manœuvre pour abaisser son Taux Directeur à 2% d’ici la fin de l’année.
Des anticipations d’inflation maîtrisées
L’inflation globale et sous-jacente devrait rester modérée en 2025E, malgré un contexte international mouvementé. Bank Al-Maghrib a d’ailleurs révisé ses prévisions à la baisse, à 1% pour 2025E, contre 2% précédemment.
- Inflation domestique : L’amélioration des conditions climatiques et les mesures budgétaires en faveur du secteur agricole devraient maintenir l’inflation alimentaire modérée, cette dernière représentant plus d’un tiers du panier de consommation.
- Inflation importée : Les cours du Brent sont attendus autour de 70 $/bbl en 2025E, contre 80 $/bbl en 2026E, sous l’effet d’une demande pétrolière mondiale revue à la baisse, de l’augmentation de la production OPEP+ et du renforcement des stocks pétroliers américains, malgré les tensions géopolitiques au Proche-Orient.
Ainsi, les risques inflationnistes liés à un choc d’offre restent limités, ne freinant pas une éventuelle action accommodante de la banque centrale.
Une marge de manœuvre renforcée par les spreads
Le creusement du spread entre le Taux Directeur et l’inflation offre une flexibilité supplémentaire. Avec une inflation à 0,4% en mai et des prévisions modérées sur 2025E-2026E, les taux réels restent positifs à moyen terme, avec des spreads supérieurs à 40 points de base en 2026E, contribuant à détendre les pressions sur la rémunération de l’épargne nationale.
Surveillance du marché des changes
Les mouvements du marché des changes sont à suivre attentivement. Malgré les divergences croissantes de politique monétaire entre la FED et la Banque centrale européenne et le glissement du Dollar, le Dirham reste stable, avec des spreads de liquidité proches des plus bas sur trois ans. La vigilance reste cependant de mise face à une éventuelle appréciation de l’Euro, compte tenu de la fin du cycle d’assouplissement en Zone Euro, sachant que l’UE représente près de la moitié des importations et deux tiers des exportations du Maroc.