Executive Summary
Aujourd’hui, deux interrogations majeures tourmentent la communauté financière au Maroc. D’une part, la crise sanitaire actuelle risque-t-elle de se prolonger ? D’autre part, quelles seraient ses répercussions macro et micro-économiques ?
L’enjeu est considérable dans la mesure où les investisseurs institutionnels seraient prédisposés à réajuster leurs stratégies d’allocation d’actifs et ce, en fonction du niveau de visibilité par rapport à ces deux questions. Afin de mieux cerner le sujet, notre réflexion s’articule autour des trois volets suivants :
- Volet sanitaire : sommes-nous au bout du tunnel ?
- Volet macro-économique : existe-il un «consensus» relatif au niveau de décélération de la croissance économique au Maroc en 2020E ?
- Volet micro-économique : quelle visibilité à date d’aujourd’hui sur les grandes tendances des secteurs cotés ?
Sur la base des premiers éléments de réponse, il s’avère intéressant par la suite de s’interroger sur l’attitude à adopter dans le contexte actuel. Après une correction de plus de -25% du marché boursier en 2020, serait-il intéressant de se projeter post-crise ? Ainsi, dans le cas où l’investisseur souhaiterait prendre davantage de risque, quelle serait l’approche la plus appropriée ?
Au terme de notre réflexion, nous ressortons avec quatre convictions majeures :
- En l’absence d’un vaccin ou d’un traitement efficace contre le Covid-19 sur un horizon CT, le principal objectif des gouvernements demeure l’aplatissement de leur courbe d’infection. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que nous pourrions entrevoir un éventuel plan de « déconfinement ». Pour le cas du Maroc, il nous semble difficile d’envisager un retour à la normale de l’activité économique sans que l’Europe n’émette des signaux positifs en la ma-tière. Considérés comme des partenaires économiques importants, la configuration des courbes d’infection de la France et de l’Espagne serait en avance par rapport à celle du Maroc de deux à trois semaines ;
- Dans un contexte où le Monde s’oriente vers des périodes de confinement plus longues que prévu et tenant compte des plans de relance très évolutifs des gouvernements, tout scénario de croissance économique pourrait paraître arbitraire actuellement. Toutefois, il est important de souligner que l’élan de solidarité remarquable observé au Maroc conjugué à la marge de manoeuvre budgétaire importante dont dispose l’exécutif permettraient selon nous d’absorber partiellement les turbulences économiques attendues. En l’absence de visibilité quant à l’évo-lution de la situation sanitaire, plusieurs institutions nationales et internationales ont tout de même publié leurs anticipations de croissance du PIB pour 2020. Sans grande surprise, celles-ci ressortent disparates, variant au sein d’une fourchette assez large de [-3,7% à 2,3%].
- Sur la base des données disponibles à date d’aujourd’hui ainsi que nos différents échanges avec le Management des sociétés cotées, nous pouvons identifier pour un certain nombre de secteurs une trajectoire de leur croissance durant et post-crise sanitaire. Pour d’autres, à l’image du secteur financier, l’exercice serait très subjectif. Pour cause, le manque de visibilité sur l’ensemble du dispositif économique, monétaire et réglementaire qui sera mis en place par l’exécutif et Bank Al-Maghrib en faveur du secteur financier.
Le caractère inédit de la crise sanitaire actuelle devrait certainement avoir des répercussions majeures à la fois sur les priorités des gouvernements et sur le business modèle de plusieurs secteurs d’activité. Par conséquent, il nous semble plus intéressant pour les investisseurs de se projeter post-crise afin de miser sur les secteurs qui en sortiraient gagnants. Notre propre lecture stratégique des évènements qui se sont succédés jusqu’à présent, fait ressortir quatre thématiques :
- Les télécommunications bénéficieront d’une nouvelle dynamique de croissance et ce, pour deux raisons. D’une part, la forte augmentation de la Data Mobile de plus de 50% durant la pé-riode de confinement, favoriserait le changement des habitudes de consommation au Maroc. Concrètement, la consommation moyenne par utilisateur devrait franchir un nouveau palier et le taux de pénétration de la Data devrait accélérer sa progression. D’autre part, les acteurs privés et publics évolueront vers des modèles qui reposent davantage sur la digitalisation ce qui boosterait le développement des segments Internet haut et très haut débit. Dans cette perspec-tive, il est réconfortant de constater que l’effort d’investissement déjà déployé par le secteur lui permet aujourd'hui d’accompagner cette hausse importante du trafic sans pour autant accuser une dégradation visible de la qualité de ses services ;
- Les activités agroalimentaires devraient gagner en importance stratégique au terme de cette crise sanitaire et ce, pour trois raisons. Premièrement, cette activité n’accuse aucune pertur-bation de sa chaîne de valeur grâce à la bonne tenue de ses composantes Offre et Demande. Deuxièmement, ce secteur est un grand pourvoyeur d’emplois qui pourrait jouer un rôle actif durant cette crise. Troisièmement, de nouvelles opportunités à l’export émergeront dans un contexte où la question de la sécurité alimentaire semble prendre le dessus au sein des grandes économies. À cet effet, nous nous intéressons particulièrement à Cosumar et à Lesieur Cristal qui s’inscrivent déjà dans une logique de développement international portée par un tour de table équilibré entre des actionnaires métier de référence mondiale et des institutionnels locaux crédibles ;
- La distribution moderne est devant une opportunité unique pour augmenter considérablement son taux de pénétration au sein de l’économie. Ce taux s’élèverait à peine à 17% contre 38% en moyenne pour les pays comparables. Ce secteur a atteint des niveaux records en termes de fréquentation favorisant ainsi le changement des habitudes de consommation des ménages. Parallèlement, nous relevons l’implémentation de la digitalisation à travers le lancement des services de commande en ligne et de livraison à domicile. Un nouveau créneau qui sera à terme créateur de valeur pour cette activité ;
- Les métaux précieux devraient se démarquer durant cette crise sanitaire et ce, pour trois rai-sons. Premièrement, l’activation massive de la planche à billets suite aux politiques monétaires ultra accommodantes des grandes banques centrales risque de déprécier la valeur de la mon-naie au profit de l’Or en tant que valeur refuge. À titre d’exemple, la Fed a procédé à des réduc-tions successives de son taux directeur pour le ramener à près de zéro actuellement et vient par la même occasion d’annoncer un programme d’assouplissement quantitatif historique d’environ 700 MM$. Deuxièmement, la montée des inquiétudes quant à la solvabilité des États au terme de cette crise se reflète via l’élargissement des spread de taux. Troisièmement, une pression sur l’Offre minière en métaux précieux en raison de la fermeture des mines polymé-talliques non rentables. Dans ce sens, SMI constitue un véhicule de placement intéressant. Cette valeur offrirait à la fois une marge de rattrapage importante du cours de l’Argent et une couverture par rapport à une éventuelle dépréciation du dirham dans la mesure où son CA est libellé en dollar à hauteur de 100%.
Bonne lecture ...