BANK AL-MAGHRIB : Un statu quo du Taux Directeur attendu par les investisseurs

Bank Al-Maghrib décide de maintenir inchangé son Taux Directeur à 2,25% lors de sa 3ème réunion de politique monétaire de l’année 2025 et ce, en ligne avec le consensus du marché (Cf. Sondage Taux Directeur Septembre 2025). Il s’agit du 2ème statu quo consécutif après une 1ère baisse de -25 PBS en mars 2025, et un repli cumulé du Taux Directeur de -75 PBS depuis le début du cycle accommodant de Bank Al-Maghrib en juin 2024. Rappelons que Bank Al-Maghrib a ramené son Taux Directeur d’un plus bas historique de 1,5% en août 2022 à un plus haut historique de 3% à compter de mars 2023 avant de démarrer son pivot monétaire en juin 2024 pour le stabiliser à 2,25% depuis mars 2025 et ce, dans un contexte de désinflation. En effet, les prix à la consommation poursuivent leur détente à +0,3% en août 2025 bien en dessous de l’objectif de stabilité des prix fixé à 2%. De plus, l’inflation sous-jacente confirme à son tour cette tendance baissière en se situant en dessous des 1% à 0,7% durant la même période.

Sur la base de notre analyse, nous relevons plusieurs facteurs qui justifiaient la décision du statu quo du Taux Directeur de Bank Al-Maghrib en septembre 2025. Il s'agit de :

  1. La robustesse de l'économie marocaine. Celle-ci demeure soutenue par l’impulsion des dépenses publiques principalement dans les infrastructures et du redressement de la composante agricole à plus de 41 MQx en lien avec les dernières précipitations. Ainsi, la croissance du PIB devrait rebondir à 4,6% en 2025E contre 3,8% en 2024. Une situation économique solide ne nécessitant pas d’actions immédiates de la part de Bank Al-Maghrib ;
  2. Le manque de visibilité à l'international. L’institution suit de près les risques qui entourent les prévisions économiques, en l’occurrence l’inflation et la croissance. En effet, dans un environnement international perturbé marqué par un degré d’incertitude élevé à la fois en Europe et au Moyen-Orient, une volatilité de la politique commerciale américaine et une fragilité de la croissance des partenaires économiques, Bank Al-Maghrib adopte une position « prudente » en optant pour le statu quo.

Avis d'expert

Tenant compte des anticipations inflationnistes maîtrisées en dessous de 2% à MT permettant aux taux réels de se maintenir en territoire positif et des impératifs de soutien du super-cycle d’investissement au Maroc, Bank Al-Maghrib serait en mesure de marquer davantage son soutien à l’économie nationale à compter de décembre 2025.

Dans un contexte où les effets des tarifs douaniers instaurés par l’administration américaine devraient rester passagers sur l’inflation mondiale, le soutien de la Demande intérieure et du marché de l’emploi revient au devant de la scène mondiale. Dans ces conditions, la FED devrait rattraper son retard vis-à-vis de la (BCE) et entamer une nouvelle phase d’assouplissement monétaire durant la période 25E-26E. Au final, nous croyons que Bank Al-Maghrib possède toujours une marge de manœuvre pour procéder à une nouvelle baisse de son Taux Directeur lors de son dernier comité de politique monétaire de l’année 2025.

Des politiques monétaires souples qui confirment le cap accommodant à l’international

Des prévisions d’inflation et de croissance en faveur de la baisse des taux en zone euro

La BCE a gardé son stable au T3-25, et ce après avoir réduit ses taux d’intérêt à 8 reprises depuis juin 2024, avec une baisse cumulée de -200 PBS, ramenant le taux de dépôt à 2,0%. Il s’agit d’un cycle de détente monétaire prudent après deux ans d’une politique restrictive destinée à contenir les pressions inflationnistes. En effet, cette orientation reflète principalement une amélioration de l’inflation en ZE. Celle-ci devrait s’établir en moyenne à 2,1% en 2025E, avant de ralentir vers 1,7% en 2026E, puis de converger à 1,9% en 2027E en ligne avec l’objectif de stabilité des prix selon les projections de la BCE. Parallèlement, le marché du travail demeure robuste, avec un chômage autour de 6,3% en juillet 2025 contre 6,2% auparavant, proche de ses plus bas historiques, constituant ainsi un soutien à la Demande domestique et à la croissance.

Les perspectives demeurent néanmoins contrastées. D’un côté, la décélération de l’inflation sous-jacente et la modération attendue des salaires sous 3% à l’horizon 2026E-2027E ouvrent la voie à de nouvelles baisses de taux si la dynamique désinflationniste se confirme. Ce soutien monétaire s’avère nécessaire pour une reprise de la Demande en Europe, en nette perte de vitesse par rapport aux USA. D’un autre côté, la BCE devrait composer avec les risques exogènes liés à l’évolution des prix de l’énergie, aux tensions commerciales et aux divergences économiques entre États membres.

La Fed entame un rattrapage de son cycle d’assouplissement monétaire en 2025

La FED a décidé lors de sa dernière réunion de politique monétaire du FOMC après 5 pauses successives de finalement baisser son Taux Directeur de -25 PBS le portant dans une fourchette oscillant entre [4,00% - 4,25%], et ce après avoir atteint [5,25% - 5,50%] en juillet 2023, soit son plus haut niveau depuis 20 ans. Rappelons que la FED avait déjà entamé un cycle d’assouplissement monétaire en 2024, avec 3 baisses de Taux Directeur cumulées de -100 PBS. À l’origine de cette orientation, une stabilité apparente de l’inflation et une nette fragilité du marché de l’emploi américain marqué par un net ralentissement des créations d’emplois.

En effet, alors que la stabilité des prix, première priorité de la FED, ne semble pas être menacée par les nouveaux tarifs douaniers de Trump à MT, son deuxième mandat « plein emploi » quant à lui, est mis à rude épreuve. Plusieurs signes montrent une forte perte de vitesse du marché du travail avec un taux de chômage qui a augmenté à 4,3% en août 2025 au lieu de 4,2% précédemment. D’une part, l’économie américaine a détruit près de 13.000 emplois en juin 2025, une 1ère depuis 2020. D’une autre part, les créations d’emplois non agricoles sont ressorties à +22.000 en août 2025 bien en dessous des attentes autour de [75.000-150.000] créations.

Face à ce ralentissement, la FED pourrait poursuivre son assouplissement monétaire d’ici la fin de l’année, avec des anticipations de deux nouvelles baisses de Taux Directeur de -25 PBS chacune afin de soutenir l’emploi et par ricochet la consommation qui contribue à plus de 70% dans la croissance américaine. Tenant compte de ce nouveau cycle accommodant aux Etats-Unis, la FED a révisé à la hausse ses perspectives de croissance à 1,6% au lieu de 1,4% en 2026E et à 1,8% au lieu de 1,6% en 2027E. Rappelons que le taux monétaire neutre, considéré ni stimulant ni restrictif pour l’économie, est estimé aux USA autour de 3,5% à 3,7% sur le MT.

Bank Al-Maghrib maintient globalement ses prévisions de croissance et d’inflation en 2025E

Confortée par une inflation alimentaire maîtrisée en raison de l’amélioration des conditions climatiques et de la nette détente des prix énergétiques à l’international, l’inflation devrait s’établir à 1% en 2025E avant de rebondir vers les 1,9% en 2026E. Ces niveaux demeurent en dessous de l’objectif de stabilité de Bank Al-Maghrib fixé à 2%. Par ailleurs, la croissance devrait s’établir à 4,4% en 2026E après 4,6% attendu en 2025E, sous l’hypothèse d’une légère amélioration de la campagne agricole à 50 MQx contre un niveau de 41 MQx une année auparavant.

Les anticipations d’une poursuite de la baisse du taux directeur se reflètent sur la dynamique des taux

Les conditions de financement du Trésor demeurent favorables en 2025, portées par la détente des taux obligataires. Le mouvement d’aplatissement de la courbe s’est poursuivi durant le T 3-2025 reflétant les anticipations des investisseurs quant à une trajectoire de politique monétaire plus accommodante durant les prochains trimestres. Les maturités courtes ont continué de s’ajuster à la baisse en ligne avec les attentes de baisse du Taux Directeur. Les taux longs devraient se stabiliser face à la nécessité de financer les besoins structurels du Trésor. Cette dynamique résulte : (1) d’un reflux des tensions inflationnistes améliorant la visibilité des investisseurs et réduisant leurs exigences de rentabilité et (2) d’une gestion prudente de l’Offre du Trésor en BDT avec un recours équilibré entre financement intérieur et extérieur dans un contexte de maîtrise budgétaire.

Bank Al-Maghrib accorde un intérêt particulier au financement des TPME

Les conditions de financement de l’économie réelle demeurent stables soutenues par l’appui de Bank Al-Maghrib. En effet, l’institution assure une satisfaction totale du besoin du secteur bancaire lors des opérations principales d’injection de liquidité. La poursuite du programme ciblé pour la TPME contribue à la diffusion de cette dynamique favorable. Les Taux débiteurs continuent d’intégrer la baisse cumulée du Taux Directeur de -75 PBS depuis juin 2024 se repliant de -59 PBS depuis le début de la baisse du Taux Directeur. Les crédits bancaires afficheraient une progression favorable, à +5,9% respectivement en 2025E et en 2026E. Le déficit de liquidité reste important en lien avec la hausse de la circulation fiduciaire. Pour leur part, les avoirs officiels de réserves maintiennent une bonne dynamique à des niveaux records en 2025E à plus de 410 MMDH et devraient frôler les 435 MMDH en 2026E.

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