Retour réussi du Maroc sur le marché international des Eurobonds en 2025
En mars 2025, le Maroc a marqué son retour sur le marché international de la dette souveraine à travers une émission Eurobond en 2 tranches d’un montant total de 2 MM€, sa 1ère émission en euro depuis 2020. Cette opération, fortement sursouscrite (environ 3,0x), illustre à la fois la confiance renouvelée des bailleurs de fonds étrangers et la capacité du Royaume à se positionner dans un environnement financier mondial encore incertain.
L’émission s’est articulée en deux tranches :
- Une première ligne court terme de 900 M€ sur 4 ans, avec un coupon de 3,875 % et un spread de 155 PBS ;
- Une seconde long terme de 1,1 MM€ sur 10 ans, assortie d’un coupon de 4,750 % et d’un spread de 215 PBS.
Comparée à la précédente émission en euro de septembre 2020, cette nouvelle opération marque une amélioration du profil de risque du Maroc.
Historique des levées à l'international
Dans un contexte de détente monétaire, notamment avec la baisse de 150 PBS des TD de la BCE depuis mi-2024, le Maroc a saisi une fenêtre pour se positionner sur les marchés internationaux. Ce choix stratégique est justifié par :
- Des anticipations monétaires favorables;
- Un environnement géopolitique relativement stable;
- Une forte demande domestique en Bons du Trésor en 2024.
Grâce à cette opération, le Maroc figure désormais au 8ème rang des pays émergents émettant en euro en 2025, derrière la Croatie, la Roumanie et l’Arabie Saoudite. Cette performance s’inscrit dans un contexte de forte dynamique du marché, avec une hausse de 47% des émissions souveraines émergentes en euro, atteignant 47 MM€. Les objectifs de cette levée sont doubles :
- Financer les engagements en euro à moyen terme : la Coupe du Monde 2030, la transition énergétique et l’infrastructure ;
- Diversifier la structure et la devise de la dette : Passer d’un financement majoritairement en dollar (émissions 2020 et 2023) à l’euro pour réduire la dépendance au billet vert et atténuer l’exposition au risque de change, face à la volatilité liée à la guerre commerciale.
...Porté par le renforcement de la stabilité économique, avec l'appui du FMI
Cette solidité macroéconomique s’appuie également sur le soutien international dont bénéficie le Maroc. Après quatre accords successifs dans le cadre de la Ligne de Précaution et de Liquidité (LPL), le Royaume a reconduit en 2025 une 2ème Ligne de Crédit Modulable (LCM) d’une durée de 2 ans avec le FMI. Malgré une succession de chocs exogènes: Pandémie, sécheresses répétées, séisme de 2023 et inflation mondiale, l’économie marocaine a fait preuve d’une solide résilience.
Cette performance repose sur une Gouvernance rigoureuse : les réformes engagées dans le cadre du nouveau modèle de développement, telles que la réforme fiscale et la généralisation de la protection sociale. Parallèlement, la maîtrise du déficit budgétaire (moins de 4% du PIB en 2024), un taux d’endettement stable autour de 70% du PIB et des réserves de change couvrant 5,2 mois d’importations renforcent la confiance des marchés. La reconduction de la LCM de 4,5 MM$ en avril 2025, utilisée à titre préventif, témoigne de la confiance des partenaires internationaux dans la capacité du Maroc à faire face aux chocs externes et préserver ses équilibres macroéconomiques.
Une amélioration des spreads de crédit appliqués au Maroc
Cette résilience avérée, appuyée par les lignes de sécurité du FMI, a permis au Royaume de consolider la confiance des investisseurs et des agences de notation, maintenant ainsi des conditions d’accès favorables aux marchés. Une situation qui a permis de stabiliser la perception du risque souverain, de maintenir des notations positives ainsi que des primes de risque attractives envers le Royaume.
En mars 2025, Moody’s a confirmé la note souveraine du Maroc avec une perspective stable, soulignant la bonne qualité des fondamentaux macroéconomiques, la gestion prudente de la dette publique et l’engagement avéré dans les réformes structurelles, malgré un contexte international incertain. Cette crédibilité se reflète également sur les marchés à travers une amélioration des spreads de crédit appliqués au Maroc et ce, en dépit du durcissement monétaire mondial. À titre d’exemple, le spread à 10 ans a reculé de 25 points de base (à 215 pbs) depuis la dernière émission en euro en 2020, dans un contexte global de hausse des taux. Plusieurs pays africains comme l’Égypte, la Côte d’Ivoire ou le Kenya ont dû offrir des rendements supérieurs à 8% pour réaliser des levées de fonds sur les marchés internationaux en 2025.
Égypte : une opération de refinancement stratégique bien accueillie
L’émission Eurobond de janvier 2025 marque le retour de l’Égypte sur les marchés internationaux après deux années d’absence. L’opération a porté sur 2 MM$, répartie en deux tranches : la première de 1,25 MM$ à 5 ans avec un coupon de 8,625% et une seconde de 750 M$ à 8 ans avec un coupon de 9,45%. En comparaison, l’émission précédente de février 2023 a été conclue à 1,5 MM$ sur une unique tranche de 3 ans avec un coupon de 11,0%, soit un niveau de coût supérieur pour une maturité plus courte.
Malgré un coût moyen pondéré supérieur à 9%, cette dernière opération a suscité un fort engouement de la part des investisseurs internationaux. La Demande a atteint environ 9,8 MM$, soit un taux de sursouscription de 5x. La tranche à 5 ans a généré, à elle seule, plus de 6,0 MM$ de Demande, tandis que celle à 8 ans a enregistré près de 3,8 MM$. Cette forte demande s’explique par un mix de facteurs :
Rareté de l’offre égyptienne:
- L’Égypte n’avait pas émis de dette internationale conventionnelle (hors sukuk) depuis février 2023. Cette pénurie de papier égyptien sur le marché secondaire a accru l’attrait de l’émission ;
- Les investisseurs déjà exposés souhaitaient potentiellement pondérer voire renforcer leurs positions.
Amélioration perçue du risque court terme:
- Les signaux envoyés par Le Caire fin 2024 (réforme du taux de change, discussions avec le FMI, préparation de privatisations, rationnement fiscal) ont été bien accueillis, améliorant le profil de risque sur l'horizon 5-8 ans.
Positionnement tactique de certains investisseurs:
- Certains fonds obligataires ont perçu cette émission comme un pari « trading » de MT, à savoir un rendement élevé au-delà d’un possible resserrement de spreads en cas d’amélioration du contexte économique ;
- Des arbitrages ont pu être réalisés au détriment d’émetteurs affichant des profils qui contrastent avec ceux de l’Egypte (Côte d’Ivoire, Sénégal ou plus le Nigéria).
Diversification géographique des portefeuilles:
- Les investisseurs en dette émergente cherchent souvent à diversifier leur exposition en Afrique. Or, la taille de l’économie égyptienne et son importance géopolitique lui donnent un statut d’émetteur incontournable.
Anticipation de décaissements multilatéraux à venir:
- L’accord avec le FMI en cours de renégociation, les promesses d’IDE du Golfe et d’éventuelles lignes bilatérales laissent anticiper des rentrées de devises importantes en 2025, améliorant le profil risque du pays à CT.
Structure de l’émission jugée « market-friendly »:
- Deux maturités (5 et 8 ans), montants raisonnables, libellé en dollars : un format lisible, liquide et conforme aux attentes des investisseurs internationaux.
Dans un contexte encore sous surveillance, quoiqu'en amélioration
Cette dynamique positive autour de l’émission est une nouvelle illustration de l’amélioration du contexte économique en Egypte après une période empreinte de complexité. Pour rappel, l’émission qui a eu lieu en février 2023, a été réalisée dans un contexte tendu : gel partiel des IDE, chute des réserves de change, désencrage des anticipations d’inflation et absence de visibilité sur le programme avec le FMI. Le recours à un emprunt de court terme à un taux de 11% traduisait une situation qui requiert un refinancement urgent.
L’émission de janvier 2025 intervient dans un environnement toujours délicat mais où plusieurs signaux de stabilisation ont été observés :
- Les réserves de change se sont redressées, atteignant 47,1 MM$ en décembre 2024, contre 35,2 MM$ en décembre 2023, reflétant une amélioration de la balance des paiements et un retour progressif des réserves de change ;
- L’accord avec le FMI a été recalibré fin 2024, avec un calendrier de décaissements échelonnés, apportant une visibilité accrue sur les financements futurs ;
- La dépréciation de la Livre Egyptienne cumulée à plus de -65% sur trois ans, semble aujourd’hui mieux contrôlée, notamment grâce à un ancrage amélioré du régime de change et à une gestion fluide des flux de capitaux ;
- Le déficit budgétaire a reculé à 3,9% du PIB en 2023/2024, après avoir dépassé 6,0% en 2022/2023, avec un poids de la dette publique ramené à 84% du PIB contre 96% une année auparavant ;
- Enfin, après avoir atteint un pic à 40% en 2023, l’inflation a amorcé une phase de stabilisation, se maintenant autour de 35% en 2024, ce qui suggère un début de normalisation progressive des prix.
Malgré un contexte encore sous surveillance, la perception d’un risque moins aigu a permis à l’Égypte de revenir sur les marchés avec des maturités plus longues et des taux de sortie plus compétitifs. Ce regain de confiance reste toutefois conditionné à la poursuite des réformes et au soutien des bailleurs multilatéraux.
Un répit de liquidité à court terme
L’émission égyptienne de 2025 a été effectuée à des conditions plus onéreuses que celles d’autres pays africains à l’instar de la Côte d’Ivoire (6,45% sur 11 ans) ou du Kenya (9,95% sur 11 ans). L’amélioration des conditions par rapport à 2023 est donc à relativiser. La prime de risque structurelle compense le niveau de la note souveraine (B- chez S&P, Caa1 chez Moody’s) et la dépendance aux appuis extérieurs. Néanmoins, l’émission permet à l’Égypte de gagner un répit de liquidité à court terme. Les principaux risques identifiés incluent :
- Une pression persistante sur son compte courant avec un déficit qui s’est creusé pour atteindre -6,6 % du PIB en 2024 contre -1,20 % en 2023 ;
- Un service de la dette publique externe conséquent ;
- La dépendance persistante aux soutiens extérieurs. Depuis 2022, l’Égypte a reçu 3,2 MM$ du FMI (EFF) et 1,3 MM$ via le RSF. Le plan émirati de 35 MM$ et les 6 MM$ de la Banque Mondiale sont essentiels pour éviter une crise de liquidité.
Synthèse des résultats durant le S1-25
Pour cette édition, nous avons choisi de retracer le comportement de l'indice AGR Africa Bond Index (AGR ABI) durant le S1-25. Voici les principaux résultats issus de cette analyse :
- L’indice AGR ABI ressort en hausse de +3,3% à 92,1 points au 1er juillet 2025 contre 89,2 points au 1er janvier 2025 ;
- La valeur de l’encours du gisement affiche une amélioration de +5,6% à 83,7 MM$ contre 79,2 MM$ au S2-24. Le nombre de constituants ressort à 71 lignes obligataires au terme du S1-25, contre 70 lignes un semestre auparavant ;
- L’intégration de deux nouvelles émissions Eurobond, respectivement émises par le Maroc et l’Egypte, chacune composée de deux lignes, ainsi que le retrait de trois lignes obligataires (Afrique du Sud, Égypte et Nigeria) présen-tant une maturité résiduelle inférieure à 6 mois ;
- L’indice AGR ABI continue d’être représenté par 5 principaux pays. Plus en détails, le Nigéria, le Kenya, l’Afrique du Sud, le Maroc et l'Égypte qui se partagent de manière quasi-similaire la représentativité dans l’indice ;
- L’observation de la ventilation actuelle de l’indice par l’agence de notation S&P montre la forte représentativité en poids des obligations notées B- qui concentrent 60,0% de l’indice AGR ABI. Par ailleurs, une quote-part de 67% du gisement présente des maturités résiduelles supérieures à 5 ans.
Détail des résultats au terme du S1-25
Au cours du premier semestre 2025, l’indice AGR Africa Bond Index a enregistré une progression de +3,3%, passant de 89,2 points au 1er janvier 2025 à 92,1 points au 1er juillet 2025. Par ailleurs, nous avons constaté le retrait de trois lignes de notre encours, chacune présentant une maturité résiduelle inférieure à six mois, ainsi que l’intégration de quatre autres issues de deux nouvelles émissions, émises respectivement par le Maroc et l’Égypte. Les performances de ce nouveau périmètre se déclinent comme suit :
- Poursuite de la progression de l’AGR Africa Bond Index
L’AGR Africa Bond Index a enregistré une hausse de +3,3 points, passant de 89,2 points au 1er janvier 2025 à 92,1 points au 1er juillet 2025. Cette performance s’est accompagnée d’une augmentation de +5,6% de l’encours total, qui atteint désormais 83,7 MM$. Le nombre de lignes obligataires composant l’indice s’établit à 71 unités à fin juin 2025 contre 70 six mois plus tôt.
- Stabilité de la maturité résiduelle
À l’issue des rebalancements mensuels opérés durant le S1-2025, la maturité résiduelle pondérée de l’indice AGR ABI se maintient à 10,0 ans, un niveau stable par rapport à celui observé fin S2-2024. Il est à noter que près de 25% des Eurobonds composant l’indice affichent une maturité résiduelle supérieure à 15 ans.
L'Egypte compte 25 émissions obligataires
Les 5 pays composant l'AGR ABI à savoir l'Égypte, le Nigéria, le Maroc, le Kenya et l’Afrique du Sud se partagent de manière quasi-similaire la représentativité dans l’indice. En effet, lors de cette édition, nous relevons que chaque pays s’accapare près de 20% de la capitalisation du gisement. En nombre de lignes, parmi les 71 constituants actuels de l’AGR Africa Bond Index, l’Égypte compte à elle-seule 25 émissions obligataires, soit près de 35% de notre univers.
Différents intervalles de maturités résiduelles
Le changement de périmètre de l’indice AGR ABI n’a pas eu d’impact sur notre indicateur de sensibilité. Celui-ci ressort à un multiple de 5,6x, quasi identique à celui observé au semestre précédent. Les titres obligataires éligibles à cet indice peuvent être répartis en cinq catégories associées à différents intervalles de maturités résiduelles (0,5-2 ans, 2-5 ans, 5-10 ans, 10-15 ans et plus de 15 ans). Dans cette édition, nous relevons que l’indice AGR ABI est composé à hauteur de 67% de maturités résiduelles strictement supérieures à 5 ans.
AGR ABI : intégration et retrait de lignes obligataires en juillet 2025
Le nombre de lignes constituant l’indice AGR ABI ressort à 71 en juillet 2025. En marge des rebalancing mensuels de l’indice AGR ABI opérés durant le premier semestre de l’année en cours, nous relevons :
- L’intégration de deux nouvelles émissions Eurobond, respectivement émises par le Maroc et l’Egypte, chacune composée de deux lignes, ainsi que le retrait de trois lignes obligataires (Afrique du Sud, Égypte et Nigeria) présentant une maturité résiduelle inférieure à 6 mois ;
- La forte contribution des obligations notées B– qui représentent 60,0% de l’indice AGR ABI. Les emprunts souverains notés BB- et BB+ représentent en cumulé les 40,0% restants.